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magnifiques qu’ils soient, ne sont que la manifestation de leur orgueil Leur vertu, ou plutôt leur absence de tares et de vices, ne provient que de leur indifférence souveraine pour tout ce qui n’est pas eux. Ils se haussent à un plan supérieur où le bien et le mal ne procèdent ni de l’effort, ni de la lâcheté. Les plus intelligents sourient à l’humanité, la plaignent, essayent de la consoler, s’étonnent des misères qui ne les atteignent pas, acceptent le bonheur qui ne les touche pas, et passent à travers les jours et les années comme indemnes de tout ce qui atteint l’espèce.

Rembrandt est un timide. Une de ses premières effigies (portrait d’adolescent, collection Pierpont-Morgan) nous le dépeint dans une attitude attentive, avec des gestes comme rentrés, la figure douce, le regard en dedans. C’est une porte ouverte sur sa nature. Une grande candeur s’y dévoile.

Et ce timide est en même temps un puéril. Il le sera dans toutes les circonstances de sa vie jusqu’à sa mort. Il s’aime ingénument. Dans la bonne ou mauvaise fortune, dans la joie ou dans le deuil, toujours il chérira ses traits, son allure et son port. Comme un enfant devant un miroir, il se plaira à regarder son rire, ses pleurs, sa grimace. Il les peindra tels qu’ils sont, sans même songer à avoir peur du ridicule. Il trouve bon tout ce qu’il fait et veut qu’on le sache et qu’on le voie. Il ne peut admettre qu’on ne prenne intérêt à ce qui l’intéresse. Sa joie déborde jusqu’à l’ostentation, elle n’a aucune