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sait jadis de son pinceau prestigieux réapparaît baigné de belle et idéale lumière. Il les peint, somptueux et merveilleux ; il se croit tour à tour prince, seigneur et roi, et malgré sa vie affreuse et béante, rien de ce qu’il fut n’est sorti de sa tête. Dans un des derniers portraits qu’il fit de lui-même (collection Carstanjen, Berlin) il apparaît ridé, vieilli, ruiné certes, mais tout entier raidi de fierté et d’obstination. Ses yeux petits fixent hardiment le spectateur, et le rire franc, comme un triomphe, anime quand même sa bouche édentée.

Il mourut le 8 octobre 1669. Henriette Stoffels l’avait précédé dans la mort en 1663, Titus en 1668. C’est donc seul, tout seul qu’il trépassa. Sur le registre de la Westerkerk, à la date citée, se lit la mention de ses funérailles.

Il ne laissa pour toute succession que ses « vêtements de laine et de toile et ses instruments de travail ». Mourir fut, pour lui, cesser de créer.


III.

Son caractère.


Le fond du caractère de Rembrandt est d’un inconscient et monstrueux égoïsme. Tous les hommes suprêmes sont taillés de la sorte. Ils ne vivent que pour leur art, et leur art, c’est eux-mêmes. Ils agissent toujours avec candeur, sans se rendre compte de l’étonnement qu’ils suscitent. Ils trompent ceux qui les regardent par leurs gestes bienveillants et quelquefois admirables, ils sont grands et sereins dans l’infortune, mais tous leurs actes, quelque