Page:Verhaeren - Rembrandt, Laurens.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

luxe, de splendeur et de beauté. La rude et brutale misère, la loi implacable et hargneuse, la faillite, les hommes de justice, les poings des créanciers auront beau ébranler sa porte et l’inquiéter dans ses veilles ou son sommeil, il résistera jusqu’au bout, arrachant son art à leur étreinte, le sauvant de leur rage froide et textuelle, et réalisant quand même, malgré eux, loin de leurs disputes et de leurs cris, la vie haute et illuminée pour laquelle il se sent marcher et penser sur la terre.

Insolvable, on lui enlève la tutelle de son fils. La Chambre des orphelins lui substitue tour à tour Jean Verbout et Louis Crayers. Sa maison de la Joden Breestraat est vendue. Une série de procès mettent aux prises le nouveau tuteur et les créanciers. La gestion défectueuse de Rembrandt sert de base à toutes leurs réclamations.

Le voici harcelé, attaqué, vilipendé. Son honneur est chaviré. Avec Titus et Henriette, il cherche asile dans une chambre d’auberge. Il y vit au jour le jour du crédit qu’on veut bien encore lui faire. Il est pauvre comme les plus pauvres, il est l’être pitoyable sur lequel toute une société s’acharne et qu’elle finirait par pousser au suicide s’il n’était plus fort qu’elle dans son âme. C’est au milieu de cette débâcle qu’il se retrouve tout entier. N’ayant plus que Titus, Henriette et lui-même pour modèles, il se remet à peindre comme aux beaux jours où vivait Saskia. Il transforme Titus en page de légende et Henriette, la servante, en princesse des pays fabuleux. Les bijoux, les soies, les ors, les fourrures, les velours, tout ce qu’il cares-