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que celle que lui tracent ses instincts, sa force et sa nature d’exception. Il vit dans un monde de rêve et de joie, loin des autres ; il ne peut lui venir à l’esprit qu’il scandalise et qu’on le blâme.

Plus tard, en 1636, il nous fera voir sa femme au lit, comme Candaule. La Danaé de l’Ermitage n’est autre que Saskia magnifiquement dévoilée et nue, tandis que tombe sur sa chair chaude et rayonnante l’or divin des légendes. Oh ! l’éblouissant festin d’amour ! Comme le corps est souple, d’un modelé gras et délicat, d’une juvénilité joyeuse et douce ; comme il s’anime de vie espiègle, sous les caresses du métal lumineux, comme il s’épanouit sous les chatouilles des beaux flots d’or ! Ce corps surpris en son intimité nous est détaillé, sans mensonge. Saskia sera pour Rembrandt tour à tour Danaé, Artémise, Bethsabée, elle incarnera les fiancées de Judée et les impératrices d’Orient, elle lui sera son rêve matérialisé, magnifié et grandi.

À cette reine de ses illusions, il faut un palais. Rembrandt le lui fournit. Tout ce que les pays lointains envoient d’étrange, d’extraordinaire, de féerique et de fou en Europe, tout ce que les navires rapportent d’imprévu et d’insoupçonné aux civilisations chrétiennes, il l’acquiert et il en peuple sa maison. Son inventaire nous renseigne de quels oiseaux de feu et de flammes, de quelles pierres merveilleuses, de quelles coquilles admirables, il s’enchante les yeux. Oh ! ces jardins de la terre qu’il entrevoit en songe, ces milieux lointains d’accord avec le mi-