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faisant une ombre sur son front, avec sa plume légère et oblique, avec sa robe bleue et ses aiguillettes d’or. Le type n’est guère d’une beauté convenue. Le teint est frais ; de petits yeux charmants luisent sous le front lisse ; un sourire fin et frêle laisse voir les dents vives et claires.

Rembrandt, grâce à son tempérament large et violent, devait être, devant ce regard de femme, celui qui aime à se laisser vaincre parce qu’il se sent trop fort. Sans doute, il lui accordera tout ce qui se lève de caprice et de fantaisie dans le champ rouge des désirs féminins ; il sera à ses genoux avec dévotion et ferveur. Elle, de son côté, sûre de sa puissance, ne redoutera point d’être l’épouse autant que la maîtresse, et leurs deux volontés s’exalteront dans ce don mutuel d’eux-mêmes.

Une page datée de 1635 — au musée de Dresde — nous les montre en liesse et en ripaille. L’énorme Rembrandt tient sa femme mince et petite sur ses genoux et lève à leur santé un verre énorme rempli de vin et d’écume. Les voici surpris dans l’intimité de leur existence débordante. Rembrandt en guerrier — baudrier doré et la rapière au flanc — ressemble à quelque reître galant qui s’amuse avec une fille. Il ne se doute pas du mauvais goût qu’on peut trouver à le voir se pavaner ainsi. Il ne voit qu’une chose : c’est que sa femme est belle et parée — corsage somptueux, jupe de soie, coiffe royale, colliers à médaillons — et qu’il faut qu’on l’admire. Il n’a peur ni de la vulgarité ni de l’ostentation. Il n’admet pour mesure