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toiles la gaieté facile, l’espièglerie, la grivoiserie, la farce, la fête. Leur humeur était celle des buveurs francs, des lurons échauffés, des coureurs de filles. Ils étaient bons enfants. Si leurs études de mœurs frisaient le péché, encore le côtoyaient-ils en souriant et en chantant.

Ils n’y mettaient aucune outrance. Certes, l’Ivrognesse de Steen ne convenait guère à la sévérité d’un appartement bourgeois, mais après tout quel vieil Amsterdamois ne s’était oublié, lui aussi, en se cachant aux yeux de tous, à boire au fond d’une maison borgne ?

Le vice national se reflétait comme en un miroir dans les panneaux des peintres. On les condamnait en public, on les adorait en secret. Leur jolie peinture, aux tons nacrés et fins, au dessin surveillé, au fignolage précieux, charmait. Quelques-uns d’entre eux, tels Pieter de Hooch, Terburg, Vermeer de Delft, furent des artistes merveilleux. Ceux qui les aimaient d’un amour exclusif appuyaient leurs préférences, solidement.

Rembrandt, indépendant et farouche, surgissait au milieu de ces apprivoisés. Quand il riait, il scandalisait par l’audace de sa folie. Aucune retenue. On pouvait à la rigueur excuser Ganymède, mais Actéon surprenant Diane et ses nymphes ?

Ceci n’était plus la farce, mais le vice dans son impudeur la plus crue.

D’outre en outre, le peintre traversait les cloisons des conventions et des préjugés. Il froissait, heurtait, et bouleversait. En tout, il allait jusqu’au bout.