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de printemps, regards venus on ne sait de quels horizons fabuleux, fronts façonnés pour porter des couronnes, mains frêles où seules les fleurs ne pesaient pas, tous ces corps d’héroïnes graciles avouaient de quelles chimères exquises le cerveau de Rembrandt était hanté.

Comme toujours il vivait dans un mirage et peignait des miracles entrevus. Plus loin, il redevenait grave et pieux. La Vieille femme lisant un livre manifestait une perfection si unie et si totale qu’on s’arrêtait devant elle comme devant une œuvre impeccable. Rien n’était à reprendre, toute velléité de critique tombait. Le livre que la vieille femme tenait en mains et d’où la clarté semblait sortir éclairait, par contre-coup, de bas en haut, son visage, et l’ombre que la grande coiffe projetait sur son front s’animait de lueurs. Le modelé de la face et des mains, le calme des yeux attentifs, l’allure grande et simple imposaient l’admiration entière. On se trouvait en présence d’une merveille évidente qui se manifestait là telle qu’un axiome, et la foule qui, ailleurs, osait élever la voix se taisait brusquement ici. Le phénomène était curieux à observer, d’autant que, devant les Syndics, il se reproduisait.

C’était encore : l’Homme portant une cuirasse (galerie de Glasgow) qu’on eût pu croire jouant le personnage du vieux Lear, quand celui-ci, désespéré et torturé, songeait à sa royauté morte, sous le pourchas des tempêtes ; le Vieillard portant une pelisse, dont le visage semblait usé d’avoir regardé, pendant combien d’années, la vie ; la