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œuvres, quasi inconnues, s’alignaient au long des rampes. Elles appartenaient à des collections célèbres de Paris, de Berlin, de Glasgow, de La Haye, d’Édimbourg, de Munich, de Vienne, de Cracovie, de Leipzig, de Weimar, de Hambourg, de Copenhague, de Cologne, de Vienne, de Budapest, de Saint-Pétersbourg et de Londres. Toute l’Europe avait collaboré à cette apothéose. Un Rembrandt quasi inconnu apparut alors. On pensait le connaître grâce à son œuvre immense répandu à travers le monde. Au musée de la ville d’Amsterdam, cet œuvre apparut plus prodigieux encore. Que d’effigies humaines s’étaient réfugiées là au long des cimaises ! Elles avaient vaincu la mort et s’étaient, elles aussi, rassemblées pour célébrer leur peintre.

Avant tout, Rembrandt était jugé par les critiques, comme un traducteur de la force, de la puissance, de la douleur. Et voici qu’il se prouvait dans le Seigneur tenant un faucon (collection du duc de Westminster) et dans la Dame à l’éventail (même collection) un peintre que l’élégance et la grâce séduisent autant que la gravité. Des visages de jeunes filles naïves, claires, charmantes apparaissaient, dotant son génie de surprenantes qualités de fraîcheur, de douceur et de virginité. Tout cela ne traduisait point une réalité crue, mais une vie exquise et transfigurée. À l’une on pouvait donner, si peu qu’on le désirât, le nom d’Ophélie ; l’autre se serait appelée Titania ; celle-ci eût été Desdémone, et celle-là Juliette. Bouches de jeunesse et de candeur, chairs de clarté et