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chis, rêvent d’en faire uniquement une sorte de bible de l’expérience et de la sagesse, mais leur désir échoue devant l’unanime vanité.

Pourtant, comme au fond de toute erreur on découvre des parcelles de vérité broyée ou méconnue, le culte des grands hommes peut apparaître logique et profitable à quelques bonnes intelligences.

Elles disent : « Les plus beaux gestes, les plus belles paroles doivent être conservés de siècle en siècle afin que le trésor de notre race perfectible en soit augmenté. Les suprêmes humains indiquent aux autres la voie la plus sûre, ils jalonnent l’histoire et se passent dans la nuit les flambeaux directeurs. L’art, comme la science, traverse des périodes de ténèbres : les grands peintres, les vrais savants doivent être honorés et déifiés pour guider, parfois, instruire, souvent, et resplendir, toujours. »

Au décès de Rembrandt, on aurait pu craindre que jamais il n’aurait pris place parmi les grands morts.

Comme il n’exprimait guère son pays, le goût hollandais le condamna. La mode honorait les petits maîtres, elle favorisait les portraitistes d’ordre inférieur.

Quelques années plus tard, elle s’engouait d’une peinture mesquine et propre, d’une technique uniquement habile et correcte. Les van der Werf, les Mieris, les Philippe van Dyck, tous les peintres de l’afféterie, de la mignardise et de la frivolité s’imposaient. Un crépuscule fade et rose ensevelissait toute la peinture. Le XVIIIe siècle français survint à son tour. L’art devint charmant, précieux, adorable.