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semblables au sien. Rembrandt absorbe le talent de ses disciples ; tous sont éblouis par sa lumière unique. Rubens crée à côté de la sienne des personnalités admirables : van Dyck, Jordaens, Corneille de Vos, de Crayer.

Il est une force, non pas affranchie, mais dépendante ; une force intimement d’accord avec toutes les autres forces qui agissent à telle heure sur son pays. Il se répand, il se multiplie. Il est une plante admirable, poussée en un sol riche et favorable et dont les graines dispersées au vent germent où elles tombent. Rembrandt, plante très rare et solitaire, semble résorber toute sa force pour s’élancer plus haut, croître plus profond, au risque d’être improductive et stérile. — À l’heure où peint Rubens, tous les peintres de Flandre, les plus humbles aussi bien que les plus grands, peignent d’après lui, adoptent ses méthodes, suivent la tradition qu’il inaugure, se retrouvent eux-mêmes en le découvrant. Tous travaillent dans le jardin dont il ouvrit les portes.

Bien plus. Sa débordante influence s’étend si loin qu’elle gagne la statuaire et atteint l’architecture. Duquesnoy et van Opstal transportent dans leur art les enseignements qu’il donne aux peintres. Ils sculptent des corps massifs et sains, puissants et rouges comme ceux qu’il peint en ses drames chrétiens ou mythologiques ; ils adoptent sa facture large et massive, ils sont comme lui plus coloristes que formistes. Toutes les lignes raides et figées de l’art monumental s’animent suivant le mouvement nouveau qu’il imprime aux choses. Son mauvais