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nature de visionnaire, les sujets qu’il traitait, le monde de féerie et de prodige qui était le sien, l’éblouissement soudain qu’il éprouvait dès qu’il regardait en lui-même.

Sa tâche était ardue. La lumière telle qu’il l’entendait était le rayonnement. Elle n’était pas la lumière naturelle qui baigne les objets ou s’y réfracte et les anime de ses contrastes ; elle était tout au contraire une sorte de lumière idéale, une lumière de pensée et d’imagination. C’est une telle lumière qui ordonne la composition chez Rembrandt. À ses yeux, où qu’elle se fixe, elle domine toute la scène, elle la maîtrise et l’équilibre. Qu’elle ait son centre, soit au milieu de la toile, soit à ses confins, toute l’ambiance se teinte et se modifie d’après elle. Parfois elle jaillit du corps même d’un personnage — exemple : Le Christ et les disciples d’Emmaüs du Louvre. — parfois d’un objet — exemple : l’inscription cabalistique dans la fenêtre du Docteur Faustus. Suivant ses divers effets, elle produit sur la page soit une asymétrie déconcertante, soit une très régulière et symétrique disposition. Mais, d’où qu’elle se lève, elle apparaît inédite, triomphante, prodigieuse. Elle est légère ou brusque. Elle court d’objet en objet comme un frôlement d’ailes avec des délicatesses, des surprises et des fuites infinies. Ou bien elle éclate violente comme l’éclair et il faut tout le génie du maître pour qu’elle tienne dans l’œuvre sans en rompre l’ordonnance. Dans la Résurrection de Lazare, elle fulgure comme le prodige lui-même et s’identifie avec lui.

Grâce à elle, Rembrandt parvient à s’exprimer comme