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Rembrandt, adoptant un procédé similaire, exalte quelques couleurs claires sur un fond brouillé et mystérieux.

Toutefois, sa technique et sa couleur s’expliquent mieux encore dès qu’on étudie sa composition. C’est cette dernière qui les légitime surtout. La plupart des Italiens, les Raphaël, les Jules Romain, les Guido Reni, construisent la solidité de leurs œuvres d’après une architecture quasi impeccable de lignes et de traits. Leurs fresques et leurs toiles témoignent d’un plan autant qu’un édifice et nulle œuvre n’est mieux à sa place que les leurs dans l’entre-croisement des arêtes d’une salle ou d’un temple. D’autres peintres, les Flamands surtout, composent de manière que ce soit la couleur elle-même qui arrange, d’après l’ordre et l’équilibre, leurs tableaux.

Rubens est le maître de tels décors superbes. Les rouges, les bleus, les jaunes, les verts se répondent de l’une à l’autre extrémité de sa page peinte. Parfois il les fixe comme en bouquets. Les chairs éclatent comme des roses et les vêtements de soie et de velours et de satin chantent autour d’elles comme un chœur de tulipes, de dahlias et de pivoines. L’œil est charmé plus que le jugement, la sensualité plus que l’esprit. Mais les yeux et la sensualité ont eux aussi leur raisonnement latent d’où dépendent et la volupté et la beauté. Aucun de ces deux procédés de composition n’a séduit Rembrandt.

Ce n’est ni la ligne ni la couleur qui guident ses arrangements, c’est uniquement la lumière. Lui seul a pu tenter le premier une telle aventure. Tout l’y poussait : sa