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Il vivait de silence actif. Il était roi.

Il méprisait l’orgueil et la pompe et l’arroi ;
Son âme solitaire, embusquée et subtile,

Sans hésiter jamais, visait tout but utile.


Vers les trames les plus fortes, il dirigeait,

Adroitement, les fins ciseaux de ses projets,
Coupant les fils serrés, tranchant les nœuds tenaces

Des plus fermes accords, des plus larges menaces.


Il était miel et glu, avant d’être poison ;

Chacun de ses palais se creusait en prison ;
Quand il buvait la vie, à coupe ardente et pleine,

Sa lèvre au lieu d’amour y dégustait la haine.


À la chandelle, au soir, sur un siège de bois,

Il parlait de son bien, certes, comme un bourgeois ;
Mais plus qu’aucun des rois que les gloires fleuronnent,

Ses yeux s’hallucinaient des feux de sa couronne.


Il était grand sans le clamer sous le soleil,

Sans le crier au monde, en ces buccins vermeils

Qui sonnaient, dans les soirs de viol et de guerre,