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Avant que la colère ou bien la peur

Ne provoquât leur fuite ou leur fureur,
Comme un brusque ouragan à travers les broussailles.
Il était le berger de ces fauves ouailles ;
Il agissait, loin du village, en tapinois,
Et les odeurs violentes des bois,
Et les senteurs sexuelles et chaudes

Hantaient et saturaient ses blaudes.


Parfois, une tribu, la nuit,

De loups et de renards, venait à lui.
C’était l’été. La lune immense et pâle
Laissait tomber sa lumière lustrale ;
Il s’asseyait alors dans la clarté
Translucide de la plaine diamantée,
Les animaux frottaient leur front à ses genoux,
Et le vieux Snul prenait en ses deux mains leur tête,
Fixait ses yeux mouillés sur leurs beaux yeux de bêtes,

Et dévorait, comme un amant, leurs regards doux.


Au mois des ruts, il s’enfermait seul avec elles,

À volets clos. C’étaient des fêtes solennelles

De violence et de bonté. L’homme brûlait