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poèmes, iiie série


Et livides et mornes éponges, dans l’antre,
Où des pieuvres dressent la vigne en floraison
De leurs suçoirs tordus, voici les grands cerveaux
De ceux qui ont emprisonné dans les étaux
Des lois fixes et profondes, le monde.
Voici les voyageurs par les chemins de Dieu,
Voici les cœurs brûlés de foi, ceux dont le feu
Étonnait les soleils, de sa lueur nouvelle :
Amours sanctifiés par l’extatique ardeur
« Rien pour soi-même et sur le monde, où s’échevèlent
La luxure, l’orgueil, l’avarice, l’horreur,
Tous les péchés, inaugurer torrentiel
De sacrifice et de bonté suprême, un ciel ! »
Et les marmoréens maçons de leur superbe,
Les bâtisseurs d’orgueil, avec des blocs de fer
Si lourdement rejoints, que ni les fleurs, ni l’herbe
N’y trouvaient place, où remuer leur printemps clair ;
Et les Flamels tombés des légendes gothiques,
Et les avares blancs qui se mangent les doigts,
Et les guerriers en or immobile, la croix
Escarbouclant d’ardeur leurs cuirasses mystiques,
Et leurs femmes dont les regards étaient si doux ;
Voici — sanguinolents et crus, ils sont là tous.