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poèmes

Au long de tes flancs creux lignent leur sécheresse,
Pareils aux bras osseux et sarmenteux des morts.

Tes seins, bouquets de sève étalés sur ton torse,
Îles de rouge amour sur un grand lac vermeil,
Délustrés de leur joie et vidés de leur force,
Sèchent, eux que mon rut levait à son soleil.

Et maintenant, qu’aux jours de juin, pour le distraire,
On t’amène, là-bas, dans les jardins t’asseoir,
Dès qu’on t’assied dans l’herbe, je crois te voir
Tout lentement déjà t’enfoncer sous la terre.


II


À voir si pâle et maigre et proche de la mort,
Ta chair, la grande chair, jadis évocatoire,
Et que les roux midis d’été feuillageaient d’or
Et grandissaient, mes yeux se refusent à croire

Que c’est à ce corps-là, léché, flatté, mordu,
Chaque soir, par les dents et l’ardeur d’une bête,