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poèmes

Tournoyaient en spirale au fond du grand décor,
Servaient aux pieds ailés et joyeux de tes rêves,
Des sites langoureux et les vagues halliers,
Où flottaient doucement les écharpes des brumes,
Se découvraient du haut de superbes paliers,
Et des femmes, traînant leurs robes en écumes
Derrière elles, penchaient sous des vélums lascifs
Toute leur chair vers tes amours et tes victoires.
Oh ! que de seins tendus et de corps convulsifs
Tes beaux bras ont pliés dans leurs étreintes noires
Et tes baisers mordus pendant tes nuits d’ardeur !
Quel cortège voilé de pâles amoureuses
Ton souvenir éclaire à son flambeau rôdeur,
Et quels sanglots plaintifs d’éternelles pleureuses
Ton âme entend là-bas, au fond des soirs, gémir !
Mais tous ces désespoirs et toutes ces colères
Tu les veux, tu les dois, hors de ton cœur, vomir,
Et ton torse puissant, chargé de scapulaires,
Ne peut plus rien garder de sa folie en soi.
L’Église te proclame et t’appelle et t’élève ;
Demain tu seras fort et solennel, la foi
Sera, comme un drapeau gonflé d’orgueil, ton rêve.