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poèmes


Son esprit lumineux, telle une aube pascale,
Jette des feux pieux comme des fleurs de ciel ;
Il marche sans péché, ni désir véniel,
Comme en une fraîcheur de paix dominicale.

Heureux le moine saint s’abattant à genoux,
Devant ta croix, dressant au ciel ses larges charmes,
Et qui lave ton nom avec les mêmes larmes
Que nous prostituons à nos douleurs à nous.

Son cœur est tel qu’un lac dans la montagne blanche,
Qui réverbère en ses pâles miroirs dormants
Et ses vagues de prisme emplis de diamants
Toute clarté de Dieu qui sur terre s’épanche.

Heureux le moine rude, ardent, terrible, amer,
Dont le sang se déperd aux larmes des supplices,
Dont la peau se lacère aux griffes des cilices
Et qui traîne vers toi les loques de sa chair.

Pour en tordre le mal, ses mains tortionnaires
Ont d’un si noir effort étreint son corps pâmé,
Qu’il n’est plus qu’âme enfin et qu’il vit sublimé,
Tout seul, comme un rocher meurtri par les tonnerres.