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poèmes


Elle exerçait alors l’intime pénétrance
D’un art hostile à l’homme et pourtant recherché
Des cerveaux inquiets de grâce et de péché
Et des cœurs tourmentés par l’énigme et l’outrance.

On sentait que celui qui l’avait faite ainsi
Était un maître ardent, tourmenté de magie,
Qui cherchait dans la peur du cercueil l’énergie
De rester dans sa foi catholique endurci.

Que de regards avaient passé sur cette image !
Que de baisers chrétiens et de pleurs pénitents,
Sur le macabre et grand squelette, à qui les temps
Avaient donné le ton d’un rugueux étamage !

Que de pensers remplis de deuil et d’infini !
Que de lèvres déjà froides et solennelles
Et qui n’avaient laissé d’autre souvenir d’elles
Qu’un peu de leur moiteur sur le vélin terni !

Oh ! les vieux pélerins des grands siècles austères,
Oh ! les passants perdus par l’espace lointain,
Ceux qui s’en vinrent hier, ceux qui viendront demain,
Les résignés, les forts, les purs, les solitaires !