Page:Verhaeren - Poèmes, t1, 1895, 2e éd.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
poèmes

Des vacarmes touffus et des débordements
Et des grosses clameurs et des ruts de la foule.
On devine, là-bas, dans les hameaux fumants
De liesse à pleins instincts et de joie à pleins ventres,
Serves et serfs, patauds et pataudes, tous soûls,
Les gars, luttant entre eux comme les loups des antres,
Et les femmes hurlant autour, les regards fous.

Enfin, le long repas finit, et les lumières,
Dans les massifs géants, larment l’obscurité,
L’ombre descend des monts aux heures coutumières,
Le ciel s’étend immense ainsi qu’un drap lacté
Sur les étangs rêveurs et les plaines songeuses.

Mais bien qu’il fasse soir, les bruits croissent toujours
Et montent plus grouillants des plèbes tapageuses
Et roulent plus tonnants vers les échos des bourgs,
Jusqu’à ce que minuit tombe sur les villages
Et que les moines las, mis en joie et repus,
Quittent la fête ardente encor.
Leurs attelages
Sont amenés, timons ornés, chevaux trapus.
On les y voit monter, la face au vin rougie,