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poèmes


Les uns, n’ayant jamais péché, portent leur âme
Comme un faisceau de lys sur leur manteau brodé,
Ils ont le front de calme et d’ardeur inondé
Et dans leurs doigts d’argent ils portent une flamme ;

Il en est dont les reins se ceinturent d’orties
Et qui marchent, hagards, par les sentiers étroits,
Le dos raidi, les flancs creusés, les bras en croix,
La bouche effrayamment ouverte aux prophéties ;

D’autres, la gorge sèche et la poitrine en feu,
Sont les suppliciés de jeûne et de prière
Dont le corps s’éternise en des gestes de pierre
Et qui dans les déserts hurlent après leur Dieu.

Et tous s’en vont ainsi, vêtus de larges voiles,
Comme des marbres blancs qui marcheraient la nuit,
Qu’il fasse aurore ou soir, une clarté les suit
Et sur leur front grandi s’arrêtent les étoiles,

Et parvenus au temple ouvrant au loin son chœur,
Dans un recourbement d’ogives colossales,
Ils tombent à genoux sur la froideur des dalles
Et jettent vers leur Dieu tout le sang de leur cœur.