Avant que le soleil n’arde de flammes rouges,
Et que les brouillards blancs ne tombent à pleins vols,
Dans les bouges, on met un terme aux soûleries.
La kermesse s’épuise en des accablements,
La foule s’en retourne, et vers les métairies
On la voit disparaître avec des hurlements.
Les vieux fermiers aussi, les bras tombants, les trognes
Dégoûtantes de bière et de gros vin sablés,
Gagnent, avec le pas zigzaguant des ivrognes,
Leur ferme assise au loin dans une mer de blés.
Mais au creux des fossés que les mousses veloutent,
Parmi les plants herbus d’un enclos maraîcher,
Au détour des sentiers gazonnés, ils écoutent
Rugir encor l’amour en des festins de chair.
Les buissons semblent être habités par des fauves.
Des accouplements noirs bondissent par dessus
Les lins montants, l’avoine en fleur, les trèfles mauves,
Des cris de passion montent ; on n’entend plus
Que des spasmes râlants auxquels les chiens répondent.
Les vieux songent aux ans de jeunesse et d’ardeurs.
Chez eux, mêmes appels d’amour qui se confondent.
Dans l’étable où se sont glissés les maraudeurs,
Où la vachère couche au milieu des fourrages,
Page:Verhaeren - Poèmes, t1, 1895, 2e éd.djvu/164
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