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les flamandes

Et qu’au temps où la mort ouvre vers eux ses portes,
Leur cercueil, descendant au fond des terrains mous,
Ne semble contenir que choses deux fois mortes.


II


Les soirs de vents en rage et de ciel en remous,
Les soirs de bise aux champs et de neige essaimée,
Les vieux fermiers sont là, méditant, calculant,
Près des lampes, d’où monte un filet de fumée.
La cuisine présente un aspect désolant :
On soupe dans un coin, toute une ribambelle
D’enfants sales gloutonne aux restes d’un repas ;
Des chats osseux, râclés, lèchent des fonds d’écuelle ;
Des coqs tintent du bec contre l’étain des plats ;
L’humidité s’attache aux murs lépreux ; dans l’âtre,
Quatres pauvres tisons se tordent de maigreur,
Avec des jets mourants d’une clarté rougeâtre ;
Et les vieux ont au front des pensers pleins d’aigreur.
« Bien qu’en toute saison tous travaillassent ferme,
Que chacun de son mieux donnât tout son appoint,