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les flamandes


Des bruits lointains et sourds sortent des horizons,
Comme des grondements venus du bout des mondes,
Ils passent, tristes vents des funèbres saisons,
Et sonnent le néant dans leurs notes profondes.

La terre geint et crie à les subir, les bois
Ont des plaintes d’enfant, des râles et des rages,
À se sentir plies et domptés sous leur poids,
Dans un cassement sec et brutal de branchages.

Ils s’acharnent au ras des champs planes et mous,
Cinglant les nudités scrofuleuses des terres,
La végétation pourrie — et leur remous
Abat sur les chemins les ormes solitaires.

Les sapins isolés sont coupés au jarret,
Ou fendus tout du long, en ligne verticale,
Les chênes débranchés — il faut une forêt
Pour résister aux chocs hurleurs de la rafale.

Et dans la plaine vide, on ne rencontre plus
Que sur les chemins noirs de poussifs attelages,
Que des voleurs, le soir, le matin, des perclus,
Se traînant mendier de hameaux en villages,