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les flamandes

De plats vidés et noirs qu’on rapporte chargés,
Des saucières d’étain collent du pied aux nappes,
Les dressoirs sont remplis et les celliers gorgés.
Tout autour de l’estrade, où rougeoient ces agapes,
Pendent à des crochets paniers, passoires, grils,
Casseroles, bougeoirs, briquets, cruches, gamelles ;
Dans un coin, deux magots exhibent leurs nombrils.
Et trônent, verre en main, sur deux tonnes jumelles ;
Et partout, à chaque angle ou relief, ici, là,
Au pommeau d’une porte, aux charnières d’armoire,
Au pilon des mortiers, aux hanaps de gala,
Sur le mur, à travers les trous de l’écumoire,
Partout, à droite, à gauche, au hasard des reflets,
Scintillent des clartés, des gouttes de lumière,
Dont l’énorme foyer — où des coqs, des poulets,
Rôtissent tout entiers sur l’ardente litière —
Asperge, avec le feu qui chauffe le festin,
Le décor monstrueux de ces grasses kermesses.

Nuits, jours, de l’aube au soir et du soir au matin,
Eux, les maîtres, ils les donnent aux ivrognesses.
La farce épaisse et large en rires, c’est la leur :
Elle se trousse là, grosse, cynique, obscène,
Regards flambants, corsage ouvert, la gorge en fleur,