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Dans les chemins du cimetière.

Il réveillait les trépassés au fond des bières :
Judoca Vet au cœur de braise, Ursula Knolle
Massive en seins, leste en paroles,
Et Wanne et Mie, et le sonneur,
Et Sas Terbanck, la grande trogne,
Et Sus Pullinckx, le doux ivrogne,
Et Lamme-Jan, et Pieter-Nol le ramoneur
Dont la voix sourde et bruinée

Chantaient là-haut, au bord des vieilles cheminées.


Voici : Comme des rats et des souris,

Les morts trottaient en linceuls gris
Autour des tombes ruinées.
Les belles chairs en charognes muées
Les seins flasques, les ventres lourds,
Se démenaient encore, autour
Du vieux ménétrier dont s’allumaient les rages.
Ses dents blanches illuminaient tout son visage.
Pour violon, il empoignait sa croix,
Il la râclait avec un os. Sa voix
Comme autrefois criait aux filles et aux drilles :
« Brûlez vos corps au feu de mon quadrille ;
Chauffez, léchez et mordez-vous ;

Les fous sont rois, les morts sont fous ! »


Ils sont tous là, carillon d’os,
Qui se cognent du ventre et se poussent du dos,