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Le beau valet, adroitement,

Met sa main preste, entre la lèvre
Et les fleurs de chair, dont il sèvre,

Par un soufflet, le noir amant.


Grand tapage, fiévreux tumulte !

Les dames fuient à cet affront,
On s’interroge, on s’interrompt.

À part, le Roi de trèfle exulte.


Il note chaque coup reçu ;

Et l’assaut vif, comme une étreinte,
Quand le valet attaque en quinte

Son ennemi pourpre et pansu.


Un coupé droit, ardent, lyrique,

Et l’épée âpre et nette atteint
Le torse d’or et de satin

Du bon prince, venu d’Afrique.


Ses yeux de jais semblent partir,

Son regard d’une ombre se couvre,
Mais de la bouche qui s’entrouvre

Le valet rouge entend sortir :


« À quoi bon vivre, ami, la porte

Et pour ton poing et pour le mien
Est close — et rien ne sert à rien,

Puisque Kato, notre âme, est morte.