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Tendent leurs fruits, vers notre étude et nos chimères.

Pourtant, a-t-on lancé vers eux pour les capter,
Au fond des cieux,
De merveilleux filets ;
A-t-on noué, a-t-on serré,
Maille à maille, les faits après les faits ;
A-t-on levé les échelles fragiles
Dont la raison affermissait chaque échelon
Avec ses doigts agiles ;
A-t-on construit, pour les atteindre,
De siècle à siècle et d’âge en âge,
Sans se lasser jamais, ni sans se plaindre,
De blancs et merveilleux échafaudages ;
A-t-on gravi, a-t-on vaincu toutes les altitudes,
Pour arracher enfin aux solitudes
Leur nuit et leur couronne de tempêtes
Dont la terreur humaine et ses affres sont faites ?

Et néanmoins, voici le cimetière épars,
La montante Babel écroulée en tombeaux,
Où la pensée est dispersée
En blocs hagards
Et en défunts flambeaux.