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Ici, des silences immobiles et droits
Régnent, parmi des îles et des dunes,
Les mains obliques de la lune
Y caressent, sous les cieux froids,
D’énormes rangs de tombeaux blancs.

Des branchages, ainsi que des vertèbres,
Pendent, cassés, autour de troncs massifs et lourds ;
De gros oiseaux de vair et de velours,
À vol torpide et lent, y foulent les ténèbres.

Yeux de marbre, crânes et torches,
Mains de granit heurtant le seuil des porches,
Ailes de pierre et leurs pennes de fer,
Feuilles jaunes jonchant les dalles,
Oh ! tout l’automne et tout l’hiver
De la mort immémoriale.

Oh ! l’âpre cimetière épars de l’humaine pensée,
La montante Babel écroulée en tombeaux,
Où toute une splendeur d’espoirs et de flambeaux,
Contre le sol, est écrasée.
Tandis qu’en haut, toujours, dans leurs gloires ramaires,
Les arbres d’or de la fatalité
— Problèmes immortels, astres d’éternité —