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Et je le veux puissant et entêté,
Lucide et pur, comme un beau bloc de glace ;
Sans crainte et sans fallace,
Digne de ceux
Qui n’arborent l’orgueil silencieux
Loin du monde, que pour eux-mêmes.

Et je le veux trempé, dans un baptème
De nette et claire humanité,
Montrant à tous sa totale sincérité
Et reculant, en un geste suprême,
Les frontières de la bonté.

Ô vivre et vivre et se sentir meilleur
À mesure que bout plus violent mon cœur ;
Vivre plus clair, dès qu’on marche, en conquête,
Vivre plus haut encor, dès que le sort s’entête
À dessécher la force et l’audace des bras ;
Rêver, les yeux hardis, à tout ce qu’on fera
De pur, de grand, de juste, en ces Chanaans d’or,
Qui surgiront, quand même, au bout du saint effort,
Ô vivre et vivre, éperdument,
En ces heures de solennel isolement,
Où le désir attise, où la pensée anime,
Avec leurs espoirs fous, l’existence sublime.