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Les forts se sont pendus à sa crinière
Et soulevés, par elle et par ses bonds,
De prodige en prodige,
Ils ont gravi, à travers pluie et vent, les monts
Des démences et des vertiges.

J’en sais qui la dressent dans l’air
Les crins volant, sur ciel d’orage,
Avec des bras en sang et des affres de rage.

D’autres qui la rêvent profonde,
Comme une mer,
Dont l’abîme repousse et rejette les ondes.

J’en sais qui la veulent froide, mais obstinée,
Jaugeant, à coup de calculs clairs,
Le vague amas des destinées.

J’en sais qui l’espèrent vêtue
Du silence charmeur des fleurs et des statues.

J’en sais qui l’évoquent, partout,
Où la douleur se crispe, où la colère bout.