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Comme des lunes, qui se déplacent,
J’entends, sous leurs fluides rideaux,
Les sirènes violentes chanter
Et s’étreindre dans l’eau.

Sur des récifs, cabrés en cavales qui fument,
— Croupes de pierre et crinières d’écume —
Le corps épanoui dans l’or, elles s’appellent.
Le flot les vêt de joyaux clairs,
Leurs jeux noués courbent des arcs-en-ciel dans l’air,
L’une d’elles, dont les cheveux voilent les yeux,
Darde ses seins impérieux,
Plus éclatants, au loin, que tous regards,
Et, droite, elle s’érige, et, droite, elle interpelle
Les errants fous, au long des mers continuelles,
Qui vont les bras ouverts et lumineux vers elle.

Dites, les voix des soirs légendaires en mer !
Et comme on les entend
Là-bas, au Nord, le cœur battant !
Et comme on va, vers leur folie,
Avec la joie ou la mélancolie,
De retremper son être à ces brassins de vie
Dont les siècles, jadis, ont ameuté la mer !