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Un faune en bois dansait sur un bahut,
Et, par la porte ouverte, au fond d’un corridor,
On pouvait voir les mâts, les docks, le port
Et la montagne insigne,
Où, pour les vins futurs, se mûrissaient les vignes.

Un échange de gai labeur suant et fort,
Aux temps de la saison massive et violette,
Joignait le mont et la vendange au port.
Les collines s’ornaient de pourpres bandelettes ;
Les vendangeurs, plongés, jusqu’à mi-corps,
Dans les feuilles et les branches vermeilles,
Semblaient se remuer et travailler dans l’or ;
Mille lueurs étincelaient, parmi les pierres ;
Les ceps montaient, en faisceaux de lumière ;
Toute la vie éclose, en ces pays du Rhin,
Tenait et s’éclairait, dans le raisin :
C’était pour lui que les monts étaient verts,
L’été brûlant, les gars joyeux, le fleuve ouvert
Aux navires passant, joufflus de voiles,
Et s’éloignant, la nuit, sous des grappes d’étoiles.

Devant ce site, où l’ombre au jour s’était unie,
L’esprit heureux, les yeux ardents,
Par mes lèvres, entre mes dents,
J’ai longuement versé la force exquise et infinie.