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D’un large élan vaincu, battent toujours les portes ;
L’intermittent reflet de vieux flambeaux d’airain
Passe, le long des murs, en gestes surhumains ;
On sent, autour de soi, les passions bandées,
Sur l’arc silencieux des plus sombres idées ;
Tout est muet et tout est haletant ;
La nuit, la fièvre encore augmente et l’on entend
Un bruit pesant sortir de terre
Et se rompre les plombs et se fendre les bières !

Oh, cette vie aiguë et toute en profondeur,
Si ténébreuse et muette, qu’elle fait peur !
Cette vie âpre, où les luttes s’accroissent,
À force de volonté,
Jusqu’à donner l’éternité
Pour mesure à son angoisse,
Mon cœur, sens tu, comme elle est effrénée
En son affre dernière et sa ferveur damnée ?
La sens-tu croître et se désespérer dans l’ombre
Et se darder quand même, avec ses cris cassés,
Avec ses ongles d’or brisés,
Avec ces fous regards martyrisés,
Là bas, du fond de l’ombre et des décombres ?

Soit par pitié, soit parce qu’elle
Concentre, en son ardeur, toute l’âme rebelle,