Page:Verhaeren - Les Visages de la vie, 1899.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Soudainement, à coups d’éclair, se préciser en toi.

Mets en accord ta force avec les destinées
Que la foule, sans le savoir,
Promulgue, en cette nuit d’angoisse illuminée.
Ce que sera, demain, le droit et le devoir,
Seule, elle en a l’instinct profond,
Et l’univers total s’attèle et collabore,
Avec ses milliers de causes qu’on ignore
À chaque effort vers le futur, qu’elle élabore,
Rouge et tragique, à l’horizon.

Oh ! l’avenir, comme on l’écoute
Crever le sol, casser les voûtes,
En ces villes d’ébène et d’or, où l’incendie
Rôde, comme un lion dont les crins s’irradient ;
Minute unique, où les siècles tressaillent ;
Nœud que les victoires dénouent dans les batailles ;
Grande heure, où les aspects du monde changent,
Où ce qui fut juste et sacré paraît étrange,
Où l’on monte vers les sommets d’une autre foi
Où la folie, en ces tempêtes,
Forge la vérité nouvelle et la décrète,
Et l’affranchit de la gaîne des lois,
Comme un glaive trop grand pour le fourreau
Et trop serein pour le bourreau.