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L’arbre se tord en or et en verdure
Monte et règne, sous les grands midis blancs,
L’antre est tiède, le sol étincelant.
De soleil cru et de brûlures ;
Le spasme universel des choses
Se noue et se dénoue en des métamorphoses ;
Mille insectes pendus aux fleurs et aux feuillages
Les fécondent ou les saccagent ;
La clarté fauche au loin de grands pans d’ombre
Et les replie, autour des hêtres sombres,
Pour, à nouveau, les déplier, la nuit,
Lorsque le bois entier se gonfle, au bruit
De l’être épars et multiforme
Dont on entend le souffle errer et murmurer,
Au va-et-vient du vent, dans l’étendue énorme.

Pour les regards distraits et les folles cervelles,
C’est aujourd’hui le domaine des seuls oiseaux,
Ce bois, où les siècles ont mis leur sceau !

Mais toi, passant fiévreux, toi, qui récèles,
En ta mémoire, en ton désir,
Tout le passé, tout l’avenir,
Et les rejoins et les unis et les convie
À exalter, à chaque heure, la vie,
Mêle aux sèves innombrables dont les forêts,