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Les gens d’ici ont peur des gens.

Les gens d’ici sont malhabiles,
La tête lente et les vouloirs débiles
Quoique tannés d’entêtement,
Ils sont ladres, ils sont minimes
Et s’ils comptent c’est par centimes,
Péniblement, leur dénûment.

Leur récolte, depuis des chapelets d’années,
S’égrena morne en leurs granges minées ;
Leurs socs taillèrent les cailloux,
Férocement, des terrains roux ;
Leurs dents s’acharnèrent contre la terre
À la mordre, jusqu’au cœur même.

Avec leur chat, avec leur chien,
Avec l’oiseau dans une cage,
Avec, pour vivre, un seul moyen
Boire son mal, taire sa rage ;
Les pieds usés, le cœur moisi,
Les gens d’ici,