Page:Verhaeren - Les Villes tentaculaires, 1920.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et c’est enfin, pour la suprême apothéose,
Un assaut fou débordant sur les planches,
Un étagement d’or, de gorges et de hanches,
D’enlacements crispés et de terribles poses
Et des torses offerts et des robes fendues
Et des grappes de vice entre des fleurs pendues.

Et l’orchestre se meurt ou brusquement halète
Et monte et s’enfle et roule en aquilons ;
Des spasmes sourds sortent des violons ;
Des chiens lascifs semblent japper dans la tempête
Des bassons forts et des gros cuivres ;
Mille désirs naissent, gonflés, pesants, goulus.
On les dirait si lourds que tous, n’en pouvant plus
Se prostituent en hâte et crient et se délivrent.

Et minuit sonne et la foule s’écoule
— Le hall fermé — parmi les trottoirs noirs ;
Et sous les lanternes qui pendent
Rouges, dans la brume, ainsi que des viandes,
Ce sont les filles qui attendent.