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La mer que domine la loi des multitudes,
La mer où les courants tracent les certitudes ;
La mer et ses vagues coalisées,
Comme un désir multiple et fou,
Qui renversent des rocs depuis mille ans debout
Et retombent et s’effacent, égalisées ;
La mer dont chaque lame ébauche une tendresse
Ou voile une fureur, la mer plane ou sauvage,
La mer qui inquiète et angoisse et oppresse
De l’ivresse de son image.

Toute la mer va vers la ville !

Son port est flamboyant et tourmenté de feux
Qui éclairent de hauts leviers silencieux.

Son port est hérissé de tours dont les murs sonnent
D’un bruit souterrain d’eau qui s’enfle et ronfle en elles.

Son port est lourd de blocs taillés, où des gorgones
Dardent les réseaux noirs des vipères mortelles.