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Qu’ils soient, non pas seigneurs, mais croisés de leurs terres,
Qu’il n’y ait qu’un orgueil sur l’Occident — debout,
Ici, là-bas, plus loin, de l’un à l’autre bout
Des vallons baptisés et des plaines chrétiennes,
Afin que soient armés d’ardeur quotidienne
Ceux qui partent mourir en des pays lointains,
Pour qu’au monde l’Europe impose son destin.
Quittez donc vos maisons par Dieu même gardées,
Ô vous, les pas, qu’on entendra jusqu’en Judée,
Pas venus de partout avec l’ombre et le vent
Comme un broussaillement ténébreux et mouvant,
Pas qui traverserez les pays d’Allemagne,
Et les ponts du Danube, et ses âpres montagnes,
Et le Bosphore, et puis l’Asie, et puis là-bas
Les torrides chemins d’Alep et de Damas,
Et qui toujours, toujours plus loin, de proche en proche,
Viendrez camper, un soir, sous les murs d’Antioche ;
Ô pas rués vers la victoire, éperdûment,
Je bénis votre fièvre, et votre acharnement. »

Alors qu’ils chevauchaient entre Bude et Belgrade,