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Déjà
Ils parcouraient la ville en y semant la flamme
Qu’ils ressentaient encor dans le fond de leur âme,
La frayeur d’être là ;
Mais les vins absorbés, et les viandes rouges,
Mais l’odeur que Subure épandait de ses bouges,
Mais les ors flamboyant de palais en palais
Leur donnèrent soudain l’audace qu’il fallait,
Pour abattre l’orgueil millénaire de Rome.

Ô cette heure qui clôt une ère et la consomme !
Et qui surveille, et qui écoute, et qui entend
Chaque empire tomber plus lourd au fond du temps !
Ô ces siècles armés, qui tout à coup s’écroulent !
Ces flux et ces reflux de rages et de foules,
Et ces fracas de fer et d’or sous le soleil !
Ô ces coups de marteaux sur des marbres vermeils,
Ces corniches de gloire et de beauté vêtues
Broyant, en s’abattant, les bras de leurs statues,
Et ces trésors vidés, et ces coffres fendus,
Et ces poings dans le meurtre et le viol tordus,