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Sa grande aile d’argent, en un effort tragique,
L’affranchit de la boue épaisse et léthargique,
Et ses reins révoltés rejetèrent leur poids.
Persée eut beau crisper ses doigts dans la crinière
Et resserrer les flancs dans l’étau des genoux,
Aucune entente encor secrète et familière
N’existait entre lui et le grand cheval roux.
Il chut, mais ressurgit soudain, des longues herbes
Et des souples roseaux au vent du soir bougeant,
Le front intact et franc, le corps ferme et superbe,
Et s’en alla, droit devant lui, mais en songeant
Qu’il lui faudrait d’abord étudier la force
Que le hasard avait mise sur son chemin,
En assouplir la fougue érigée et retorse
Pour la ployer, comme un arc dur, entre ses mains.

Aussi, le jour qu’il vit, sous la hêtrée épaisse,
Pégase, immense et las, au fond du bois dormir,
Rabaissa-t-il ses bras tendus pour le saisir,
Et son geste brutal se changea en caresse.
Il réveilla, tranquillement, le beau coursier,