Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.



Et dans l’ombre la voix du Seigneur s’entendit.
Des feux sortaient des fleurs et des buissons nocturnes ;
Au détour des sentiers profonds et taciturnes,
L’épée entre leurs mains, les anges flamboyaient ;
On entendait rugir des lions vers les astres ;
Des cris d’aigle hélaient la mort et ses désastres ;
Tous les palmiers géants, au bord des lacs, ployaient
Sous le même vent dur de colère et de haine,
Qui s’acharnait sur Ève et sur Adam, là-bas,
Et dans l’immense nuit précipitait leurs pas
Vers les mondes nouveaux de la ferveur humaine.

L’ordre divin et primitif n’existait plus.
Tout un autre univers se dégageait de l’ombre
Où des rythmes nouveaux encore irrésolus
Entremêlaient leur force et leurs ondes sans nombre.
Vous les sentiez courir en vous, grands bois vermeils,
Tumultueux de vent ou calmes de rosée,
Et toi, montagne, et vous, neiges cristallisées,
Là-haut, en des palais de gel et de soleil
Et toi, sol bienveillant aux fruits, aux fleurs, aux graines,