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De maison en maison, les plus hauts des étages,
Vous exaltiez son cœur et gagniez son cerveau
Tout son être grondait d’un orage nouveau.
Il se sentait plus clair, plus fort, plus grand, plus vaste.
Les miroirs de son âme absorbaient les contrastes.
Il se multipliait dans les foules, là-bas :
Leurs gestes, leurs rumeurs, leurs voix, leurs cris, leurs pas,
Semblaient, quand ils montaient, le traverser lui-même ;
Et les trains merveilleux, sur leurs routes de fer,
Avec leurs bonds empanachés de vapeurs blêmes,
Roulaient, et trépidaient, et sonnaient en ses nerfs,
Si fort que son cœur jeune, ardent, souple et docile,
Vibra, jusqu’au tréfond, du rythme de la ville.
Rythme nouveau, rythme enfiévré et haletant,
Rythme dominateur qui gagnait l’âme entière
Et entraînant en sa fureur les pas du temps !

Ah ! combien celle, hélas ! dont la douce prière
Traversait terre et mer, les mains jointes, là-bas,
Sentit, en ces jours noirs, peser son cœur plus las
Et les fluides cesser et se vider l’espace !