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Et se buvait dans le vent fou ;
Il s’en alla, Dieu savait où ;
Mais quand il reviendrait,
Après combien de jours, après combien d’années
De lutte rouge avec sa destinée,
Très fièrement, il lui rapporterait,
En son âme plus claire et plus profonde,
En ses deux yeux plus éblouis,
En ses deux bras lassés d’espace et d’infini,
Le monde.

Il vit des mers, et puis des mers, toujours, encor,
Et des golfes couvrant, avec faste, leurs bords,
De grands bois sourds se prolongeant de lieue en lieue ;
Leurs branchages se cramponnaient au ciel brûlant ;
Il regardait, parmi les troncs, des singes blancs
Bondir et s’éloigner, sous des lianes bleues :
Là-bas, s’illuminaient les pays du corail ;
De longs oiseaux de pourpre et d’or, aux becs d’émail,
S’éparpillaient — miroirs et fleurs — dans l’air de nacre.
Aux mirages les monts versaient leurs simulacres.