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Toi, la banque, âme mathématique du monde !
Les plus vieux des désirs retentissent en toi.
Toutes les passions en lutte et en folie
À ton rythme fatal s’apaisent ou s’allient
Et s’inclinent soudain devant ton orgueil froid.
Et tout se canalise en des réseaux de lignes,
Bordés, sur tes carnets, de chiffres et de signes :
Ruse, bassesse et vice, ardeur, peine et travail.
Comme un air vicié s’engouffre en un poitrail,
Tout se respire en toi, s’y brûle ou s’en exhale,
Le temps manque pour distinguer les droits des torts,
Tout est fondu par ta vie âpre et triomphale,
Dans l’or.

Ô formidable pluie éparse sur le monde !
Ô l’antique légende ! Ô chair de Danaé !
Ô cieux brûlés de feux et d’étoiles fécondes
Qui vous penchez le soir sur l’univers pâmé !
Ô tourbillons de l’or où les yeux s’hallucinent,
Or, échange et conquête ; or, verbe universel ;
Sève montant au faîte et coulant aux racines