Voici les cargaisons chargeant les vieux pavés,
Et des ballots de laine échoués dans la boue,
Et des ponts tout à coup jusqu’au ciel soulevés,
Et des tournoiements fous de chaînes et de roues,
Et des Malais bronzés et des Arabes blancs,
Et leurs cris gutturaux et leurs chansons barbares.
Et leur travail rapide ou leurs pas indolents
Autour des bricks légers et des lourdes gabarres.
Plus loin montent des tours, sonores d’un bruit d’eau.
En des hangars fumeux circulent des flambeaux.
De grands élévateurs ronflant dans la poussière
Aspirent jusqu’aux toits les grains myriadaires.
Barres d’acier, plaques de fer, lingots de plomb
Glissent, presque sans bruit, en des steamers profonds.
Au bout du port, en des enclos gardés, s’isolent
Les hauts réservoirs blancs de naphte et de pétrole.
La fumée est si dense à travers les grands mâts
Que le soleil dans les cieux d’or ne se voit pas
Et que l’effort musclé de la cité entière
Paraît à tels moments se bander sous la terre.
Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/109
Cette page a été validée par deux contributeurs.