Page:Verhaeren - Les Plaines, 1911.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

 
De grands torses poilus et roux
Se redressent dans la poussière :
L’Escaut ondule en vagues de lumière,
Les blés roulent, de l’un à l’autre bout,
L’or des reflets et l’or des moires.
À cruche pleine, on verse à boire.
Les servantes vers le fleuve s’en vont
Remplir, de temps en temps, les brocs et les bidons
Et reviennent, rapides,
Moites des flancs, moites des seins,
Et maculant le drap de leurs corsages pleins
Du bout de leurs tetons humides.

Sonnent les cloches : c’est midi.
Les corps s’allongent pour la sieste ;
Mais aussitôt que les heures prestes
Réveillent, tout à coup, le travail engourdi,
L’ahan reprend.
Et c’est jusques au soir les mêmes gestes,
La même ardeur, le même acharnement, debout
Dans la torride violence,
Du silence qui bout.