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On voit à peine. Un ciel d’hiver, gris et funèbre,
Un ciel de morne hiver à l’infini s’étend ;
Les pieds butent, les mains tatent et l’on entend
Ici, là-bas, partout, des chocs en des ténèbres.

Et le flot monte et le tocsin bat dans la tour !

Pour sauver Dieu, le vieux curé
Court vers l’église :
Dans la fange du cimetière
Ses pas s’enlisent.

Les trois meules du bord du pré
Croulent — et les épis sacrés
Et les avoines d’or de la moisson dernière
Sont balayés à plein torrent dans la rivière.

Et le flot monte et se gonfle toujours !

Des malades crient au secours
Avec des voix si lasses,
Qu’elles s’épuisent ou se cassent
Avant d’être entendues ;
Des aieules, portant l’enfant entre leurs bras,
S’enfuient vers l’étendue.