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Au fond de leurs paccages gras,
Les bœufs tassent leur peur et se reculent ;
Debout, sur les meules, là-bas,
Des hommes rouges gesticulent ;
Et les lueurs et les éclats et les reflets,
Qui dans le soir tombant sur les plaines,
voyagent,
Illuminent le sombre et violent visage
De la tragique et lointaine forêt.

De la ferme tuée et de la grange morte,
Avec ses blés, ses avoines, ses seigles roux,
Avec ses foins serrés en tas contre les portes,
Plus rien, quand vient la nuit, ne demeure debout.

Dans le fournil, la poutre énorme et transversale,
Tel un épieu noirci perce encor le pignon ;
Et la vierge Marie, au sceptre de laiton,
Seule demeure intacte au fond de la grand’salle.

Meubles sauvés : bahuts, tables, chaises, fauteuils,
Sont échoués, lamentables, au long des seuils ;
Et près des hauts fumiers de la cour encombrée
Se carre un lit dont la paillasse est éventrée.